
Le travail contribue à la construction de l’identité parce qu’il est une préoccupation constante dès notre plus jeune âge. En effet, nous passons la première partie de notre vie à nous préparer et à nous former en vue d’entrer dans la vie active, la deuxième dans la vie professionnelle et la troisième à la retraite.
L’identité renvoie à 3 facteurs que sont :
- l’appartenance, qu’elle soit communautaire, territoriale ou familiale ;
- la reconnaissance, que nous obtenons de différentes façons : par notre statut, notre fonction, notre savoir-faire, notre pouvoir, notre œuvre, notre avoir, notre niveau de vie, notre famille, etc. ;
- et la différence, parce que nous faisons des choix de vie personnels, nous avons nos propres valeurs et nos propres caractéristiques physiques.
En quoi la fin de l’activité professionnelle et l’entrée dans la retraite peuvent-elles modifier ces facteurs identitaires ?
Concernant l’appartenance, les modifications peuvent être de deux ordres.
D’une part, en travaillant, nous appartenons à une catégorie dominante, socialement visible : celle des actifs. À la retraite, nous entrons dans une catégorie « fourre-tout » : 99 % des retraités n’ont pas le sentiment d’appartenir à une catégorie sociale propre.
D’autre part, au cours de la vie professionnelle- même si cela est moins vrai aujourd'hui- nous créons des liens « affectifs » avec les structures dans lesquelles nous travaillons.
La reconnaissance s'incarne dans la carte de visite professionnelle, principal signe de reconnaissance sociale. C’est par notre profession ou notre appartenance à telle ou telle entreprise prestigieuse ou innovante que nous nous qualifions aux yeux des autres et que nous suscitons en retour un intérêt extrêmement gratifiant et valorisant.
Devons-nous nous définir par ce que nous faisions précédemment ? Répondre que vous êtes retraité de telle entreprise ou administration ou que vous avez exercé telle fonction vous parait-il avoir un sens pour définir ce que vous êtes aujourd’hui ? Désormais, le retraité ne se définit plus par rapport aux autres et à lui-même par ce qu’il fait mais par ce qu’il est. À la retraite, le personnage social s’efface pour laisser la place à la personne privée. Désormais, c’est le « savoir-être » qui sera mis en avant, beaucoup plus que le « savoir-faire.
Concernant la différence, au moment de la retraite, elle prend un caractère plutôt dévalorisant. En effet, il ne s’agit plus de la différence que l’on affirme en tant que constituante de l’identité mais de la différence que l’on subit comme conséquence de la rupture du sentiment d’appartenance à la classe sociale des actifs et de la perte de reconnaissance sociale consécutive à l’arrêt de l’activité professionnelle.
Ce processus de réadaptation consistant à passer du personnage social à la personne privée peut être difficile et prendre du temps, particulièrement pour ceux qui se sont beaucoup investis dans leur travail. Lorsque cette transition a du mal à se faire, que la perte de repères est mal vécue, que le sentiment d’inutilité est présent, on constate fréquemment une baisse de l’estime de soi. Or, l’estime de soi est un bon indicateur de santé mentale. Une faible estime de soi est associée à la dépression, à la culpabilité, à l’anxiété, à des niveaux inférieurs de satisfaction de vie, à une plus grande vulnérabilité ainsi qu’à des états affectifs négatifs (irritabilité, impulsivité, agressivité, etc.). Pour passer ce cap, il est indispensable de puiser dans nos ressources internes, notre énergie, notre culture pour désinvestir le travail, en faire le deuil et seulement ensuite pouvoir éprouver de nouveaux intérêts. À compter de maintenant, nous devons laisser advenir des pensées qui nous appartiennent en propre, qui nous viennent librement, basées sur de nouveaux centres d’intérêt ou de nouvelles activités en relation plus directe avec notre plaisir, notre personnalité et donc notre identité.
En résumé : être à la retraite, c’est s’accorder pleinement le droit d’être soi-même.